Prédication pour le 5ème dimanche de Carême

Par le pasteur Marcel MBENGA, EPUdF de Dijon, Beaune

Lecture de l’Evangile selon Jean 11, 1 – 45

 

1 Il y avait un homme malade, Lazare. Il était de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe… 

3 Les deux soeurs envoyèrent quelqu'un dire à Jésus : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. » 

4 Lorsque Jésus apprit cette nouvelle, il dit : « La maladie de Lazare ne conduit pas à la mort.»

5 Jésus[…] resta encore deux jours à l'endroit où il se trouvait, 

7 puis il dit à ses disciples « Retournons en Judée. » […] 

11 Après avoir dit cela, Jésus ajouta : « Notre ami Lazare s'est endormi, mais je vais le réveiller. » 

12 Les disciples répondirent : « Seigneur, s'il s'est endormi, il guérira. » 

13 En fait, Jésus avait parlé de la mort de Lazare, mais les disciples pensaient qu'il parlait du sommeil ordinaire. 14 Jésus leur dit alors clairement : « Lazare est mort » […]

20 Quand Marthe apprit que Jésus arrivait, elle partit à sa rencontre […] 21 Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! […] 23 Jésus déclara : « Ton frère ressuscitera. » […]

25 Jésus ajouta : « Moi je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra, même s'il meurt ; 26 et celui qui vit et croit en moi ne mourra jamais. » […]

28 Marthe s'en alla appeler sa soeur Marie. […] Elle se leva immédiatement et alla au-devant de Jésus… Dès qu'elle le vit, elle se jeta à ses pieds et lui dit : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort. »[…]

33 Quand Jésus la vit pleurer, elle et les Juifs qui étaient venus avec elle, il ressentit une forte colère et se troubla. 34 Il leur demanda : « Où l'avez-vous mis ? » Ils lui répondirent : « Seigneur, viens et tu verras. » 35 Jésus pleura. 36 Les Juifs dirent alors : « Voyez comme il l'aimait ! »

37 Mais quelques-uns d'entre eux disaient : « Lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas aussi empêcher Lazare de mourir ? »…

39 « Enlevez la pierre », dit Jésus… il cria d'une voix très forte : « Lazare, sors de là ! »

44 Le mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes et le visage enveloppé d'un linge. Jésus dit : « Déliez-le et laissez-le aller. »

 

Prédication pour le temps de Carême

Jean 11, 1 – 45

 

Nous connaissons ce récit. Les deux soeurs Marthe et Marie font la démarche vers Jésus au moment où elles constatent la gravité de la maladie de leur frère Lazare. Cette maladie emportera leur frère les plongeant dans un désarroi total. Ce récit nous montre toute la détresse humaines, mais aussi, l’élan de solidarité que nous pouvons nous témoigner dans les moments les plus difficiles de nos vies.

 

Nous sommes invités à lire ce récit, en ce temps de Carême qui tire vers sa fin. Aujourd’hui, 5ème dimanche. De ce récit, il est très souvent retenu, la résurrection de Lazare. Peut-être parce qu’elle permettrait de passer très vite l’aspect le plus douloureux du récit, c’est-à-dire la mort de Lazare. Mais, en réalité, la résurrection ne peut pas se dire si l’on ne prend pas au sérieux la mort. Autrement dit, la résurrection n’a de sens que parce que la mort est bien à l’oeuvre.

 

En même temps, dans ce récit, à première lecture, la résurrection est employée de manière impropre. Si Jésus ramène Lazare à la vie, ce dont on est sûr, c’est que Lazare mourra à nouveau. Certes ! Ce récit semble plus mettre en évidence la réanimation que la résurrection. Lazare mourra à nouveau. Ce fait nous impose d’avoir au moins deux niveaux de lecture :

 

Le premier niveau est de considérer la mort et la résurrection dans sa dimension physique et uniquement dans celle-ci. Auquel cas, un récit comme celui-ci ne nous concerne pas vraiment. Car, il nous est impossible d’assister à nouveau à un tel miracle. Même dans un extrême désespoir, personne ne demande sérieusement aujourd’hui qu’un mort sorte de sa tombe ni de son cercueil.

 

Le deuxième niveau de lecture est de considérer la mort et la résurrection dans un registre plus spirituel ou dans un registre bien plus large. La mort serait alors une réalité autre qui peut toucher bien de pans de nos vies actuelles. On pourrait citer les aspects de nos vies qui sont desséchés, à l’agonie, ou qui sont sans vie. Et la résurrection consisterait alors de nous remettre debout, de régénérer ces lieux morts dans nos vies, de nous sortir de nos impasses, de l’absurde et de l’échec. La résurrection serait alors cette force qui vient soutenir notre fragilité et notre faiblesse.

 

Et c’est ce deuxième niveau de lecture, vous vous en doutez, qui parle mieux de nous parce qu’elle nous offre l’avantage d’inclure aussi la dimension physique tout en la dépassant. Ici rien n’est escamoté. Dans ces conditions, la résurrection aussi peut se vérifier, à des moments, physiquement. Lorsque physiquement, par exemple, nous sommes remis debout avec l’envie de reprendre pied et d’avancer. Mais, la résurrection reste fondamentalement spirituel. C’est ce qui la rend d’ailleurs parfois difficile à discerner. Alors que la mort quant-à-elle se donne à nous avec une violence sans retenue.

 

Quand je dis que la mort nous frappe avec une violence sans retenue, je pense vraiment à toutes ces familles qui sont frappées de plein fouet par ce virus Covid-19. Tous les soirs, les statistiques sur l’état de cette nouvelle maladie en France et dans le monde nous montrent que la situation est pire que la veille. Et chaque soir, nous sommes nombreux à scruter le moment où ces statistiques commenceront de baisser. Nous expérimentons au plus près combien la mort rôde autour de nous et en nous. Mais, voilà les chiffres qui nous sont donnés ne sont qu’une petite partie du nombre réel des morts par jour. Voilà pourquoi, nous n’oublions pas toutes les autres familles qui pleurent un être cher fauché par une toute autre cause que ce coronavirus.

 

La mort est notre ennemi nous dit l’apôtre Paul. La mort est, dans bien des cas, un scandale. La mort est toujours pour l’être humain un événement très douloureux. Elle nous concerne tous. C’est d’ailleurs la première des grandes certitudes que nous avons en partage : Toute naissance annonce déjà dans un futur incertain la mort. Mais, voilà, impossible de nous préparer vraiment à l’affronter. Heureusement, la solidarité est à l’oeuvre dans pareils moments dramatiques.

Ici, ce sont les deux soeurs qui dans leur détresse reçoivent des amis venus les soutenir et réconforter. Tous leurs espoirs sur Jésus se sont effondrés. Quand Jésus arrive à son tour, voilà déjà quatre jours que Lazare est enterré. Les deux soeurs ne vont pas ménager Jésus. Les reproches sont publiques. Leur colère et leur révolte sont à la mesure de toute leur souffrance. L’une comme l’autre dira à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort ! »

 

Pour elles, Jésus porte toute la responsabilité de cette mort. Son absence induit son inaction. Et avec son inaction, la mort de leur frère est devenue inéluctable. Ces échanges entre Jésus et Marthe d’une part puis avec Marie d’autre part sont révélateurs de la force des drames de la manière dont nous vivons nos drames encore aujourd’hui.

 

Je veux retenir plusieurs leçons de ces échanges de Jésus avec les deux soeurs en présence des témoins.

  1.  Première leçon : Marthe et Marie ne se gênent pas pour crier leur colère et formuler des reproches à la mesure de la foi et des espoirs qu’elles ont placées en Jésus. Peut-être alors que ce récit nous est donné pour nous autoriser à ouvrir notre cœur à notre Seigneur pour lui crier toute notre colère. Où est-il au temps de notre épreuve ? C’est maintenant que nous voulons qu’il se montre présent pour arrêter la déferlante mort qui s’élance contre nous.
  2. Deuxième leçon : Jésus accueille avec bienveillance les critiques des deux soeurs. Il ne les en empêche pas. Il leur permet de dire tout haut ce qu’elles ont au fond d’elles. Il regarde leur douleur. Ce n’est pas assez diraient certains. Mais, ce n’est pas rien de voir Dieu accueillir notre détresse sans rien nous reprocher.
  3. Troisième et dernière leçon : Jésus compati. Il est en totale empathie avec Marthe et Marie. Il va même jusqu’à fondre en larme. Jésus pleure avec ceux qui pleurent. Là aussi, ce n’est pas rien. Dieu pleure avec nous. Dieu partage nos souffrances.

En même temps, ils sont nombreux ceux qui persistent à penser que si Dieu existe, il ne fait là que le strict minimum. Ils attendent un peu plus de lui. Peut-être ont-ils raison. Mais, notre seule conviction est dans cet échange avec ces deux soeurs et nous pourrions alors tourner en boucle pour leur redire que Dieu accueille leur reproches. Dieu est le premier à reconnaître qu’il est totalement absent là où ils l’attendent. Et en même temps, il compati à leur, à nos douleurs.

 

Que dire de plus ? Dieu est incapable d’empêcher la mort, d’arrêter les souffrances. Mais, il se tient tout entier à nos côtés pour nous épauler, pour souffrir avec nous, pour pleurer avec nous, pour nous relever le moment venu et nous faire reprendre pied et nous remettre en marche.

 

Voyez-vous, il y a un temps pour tout. Dieu nous relève. Mais, parfois, cela prend 4 jours, que dis-je, cela prend du temps avant que nous expérimentions, dans nos vies, son intervention. Mais, une chose est sûre : Dieu est présent, totalement présent dans nos vies. Amen

 

Prions

 

Quand nous sommes à bout de souffle et que le feu de notre vitalité s’éteint

Pose sur nous, ô Père, ton regard de tendresse !

 

Quand nous nous sentons pauvres et vides, sans rien à partager,

Réveille en nous la source du don !

 

Quand nous désespérons de l’amour et que nos relations sont habitées d’amertumes,

Ouvre en nous une brèche où la vie s’inventera !

 

Quand nous sommes pleins de nous-mêmes et qu’en nous s’agite le serpent de notre moi,

Viens nous souffler un bonheur qui vient d’ailleurs !

 

Quand nous sommes repus de bien et que vient la peur de perdre,

Donne-nous faim de ta parole qui met tout en l’envers !

 

Quand nous perdons la mémoire et que s’affole le sens de l’histoire,

Eveille-nous à ta fidélité sans faille !

 

Texte de Francine Carrillo, Traces vives,

Paroles liturgiques pour aujourd’hui. Labor et Fides