Prédication assurée par Marcel MBENGA, pasteur,
le dimanche 2 août 2020 au temple de Dijon.
Matthieu 14, 13 à 21
On dit souvent que l’été est beaucoup plus propice pour exprimer le besoin de marquer d’une manière ou d’une autre une coupure pour recharger ses batteries. L’été serait donc une période plutôt favorable au calme, à la légèreté et au ressourcement. Si cela se vérifie, on ne peut pourtant pas dire que l’été soit une période tranquille, sans drame.
Voici, le texte de ce matin se situe en plein au coeur d’un drame, dans un contexte d’horreur. Jésus vient juste d’apprendre la décapitation de Jean-Baptiste, mis à mort dans les conditions les plus atroces. On exhibe sa tête lors d’un banquet d’anniversaire pour le moins terrifiant et tragique. Le climat de persécution est ici mis en lumière avec ce drame de Jean-Baptiste dont la grande faute a été de s’opposer aux agissement du roi Hérode. Telles étaient les conditions de vie des premiers chrétiens. Quand Jésus apprend la mort de Jean-Baptiste, sa première réaction est de se retirer seul. Gestion du drame oblige peut-être ! Peut-être veut-il mettre en application cette parole du prophète Esaïe : « C’est dans le calme que sera votre force » (Esaïe 30, 15). Jésus a besoin d’un lieu calme et désert. Seulement, il va être très vite rattrapé. Il a été suivi. Et sa retraite va devenir d’une toute autre nature.
Il va prendre ce temps pour en quelque sorte mettre en perspective les événements qui ébranlent tous ces gens. La mort de Jean-Baptiste annonce déjà les événements de la fin. Ce festin tragique inaugure des temps nouveaux. Le message de Jésus se veut clair : C’est au cœur de tous ces chaos que se dessine le couronnement de la vie. L’enseignement passe par des gestes forts :
- le soucis des plus fragiles, la guérison des malades. Jésus guérit les malades et les infirme de cette foule de gens qui le suivent.
- L’offre du banquet. Ce repas donné à ces milliers de personnes. Désormais, les enseignements de Jésus, les gestes de Jésus, les signes qu’il offrira au monde devront être lus à la lumière de ce meurtre et de la croix à venir.
C’est certainement là, pour moi, la force du message de Jésus-Christ. La mort atroce de Jean-Baptiste, la croix humiliante de Jésus sont en définitive les lieux de gloire. C’est ce qu’il veut dès à présent faire comprendre. Christ en Croix est le Christ en gloire. Nos fragilités et nos limites sont élevés au rang le plus élevé. Parfois on a tendance à penser que drame rime avec perdition. Non ! Même s’il est vrai que sur le moment, quand nous subissons, nous pouvons être décomposés et c’est légitime et même naturel. Nous n’avons pas à masquer nos douleurs quand nous sommes atteints par les cruautés de ce monde. Mais, voilà, nos drames ne sont pas le dernier mot prononcé pour nous et sur nous. Le temps vient, nous nous relèverons. Nous vaincrons. Il est vrai que dans la vie commune, la croix et la gloire sont un oxymore. Ce sont des réalités normalement contradictoires. Et pourtant, c’est le fondement même de notre foi. C’est la croix qui nous permet de relire toute l’histoire du Salut. C’est la croix qui nous permet de revisiter la vie de Jésus depuis sa conception, sa naissance et son activité sur terre. C’est la croix qui nous permet de comprendre tout son enseignement. Jésus sur la croix est vraiment ce Christ en gloire. La mort Jean-Baptiste est donc la première grande occasion donnée à Jésus pour distiller cet enseignement à ses disciples et aux foules. A cette foule en errance, il va montrer à quoi ressemblera le banquet qu’il propose.
Alors que ses disciples le pressent de renvoyer toutes ces personnes pour qu’ils aillent se restaurer par leurs propre moyens, non seulement parce qu’il est tard et qu’il n’y a rien à proximité mais aussi peut-être pour que Jésus et subsidiairement eux-mêmes, les disciples puissent se poser et se reposer un peu finalement. Ce sera Non ! Ils n’ont rien compris. La vie du Royaume est toute autre. Le vie du Royaume est dans le souci de l’autre. Ce n’est pas le chacun pour soi. La compassion que Jésus a éprouvé en voyant cette foule le suivre doit encore se prolonger jusqu’à maintenant. Le repos que Jésus propose et qu’il veut prendre est essentiellement tourné vers les autres. Ils n’auront pas besoin d’aller ailleurs pour se restaurer. Jésus dit à ses disciples : « Donnez-leur vous-mêmes à manger ».
Bien entendu, les disciples ne comprennent pas ce que veut Jésus. Sur quoi compte-t-il ? Deux poissons et cinq ne feront certainement pas l’affaire. Ce n’est ni la mauvaise foi ni la mauvaise volonté mais, c’est purement et simplement impossible. Et pourtant, ça va le faire. Le peu sera suffisant pour des milliers de personnes et il y aura même encore des restes. Jésus en faisant participer ses disciples à la préparation de ce banquet du Royaume, montre combien ce banquet a besoin de chacun de nous. C’est avec notre « peu » que les grandes choses sont possibles.
Ce qui m’intéresse dans cet Evangile du jour, c’est bien la condition du disciple de Jésus. Et je crois fermement que cette condition n’a pas changé. Nous avons encore du mal à comprendre les événements qui surviennent dans nos vies, dans nos villes, dans notre pays et dans le monde. Devant tant de cruautés, de persécutions, de rejets, nous rencontrons des gens qui sont à la recherche d’un sens à la leur vie. Nous les voyons affamées de toute sorte de nourriture aller se blottir ici ou là dans l’espoir de trouver satisfaction. Comprenez bien que je ne nous exclus pas de ces gens. Nous sommes chacun à l’un ou à l’autre moment de sa vie dans ces impasses. Deux attitudes au moins nous guettent :
1. Nous avons tendance à laisser chacun se débrouiller seul. Car, qui n’a pas de soucis ? Pourquoi s’encombrer des soucis des autres ? Que chacun règle ses problèmes et le monde se portera mieux.
2. Nous sommes beaucoup trop conscients de notre impuissance dans la lutte contre les fléaux sociaux qui frappent notre monde. Nous sommes beaucoup trop conscients que devant l’immensité de la tâche, à nous tout seul, avec ce que nous avons, rien n’y fera, c’est juste impossible. Nous n’avons ici que 2 poissons et cinq pains. Et nous pouvons décliner ce manque dans bien de domaines : Ecologie, Faim dans le monde, conflits de toutes natures, dans la vie familiale, en entreprise, en Eglise, les relations entre diverses religions, entre divers pays, etc. Dans chacun de ces domaine, nous voyons bien qu’il y a lieu de s’y investir pour réparer ce qui ne va et prévenir certains dérèglements. Mais, nous nous heurtons à ce que nous croyons être notre impuissance.
L'Évangile de ce matin vient nous rassurer, nous faire découvrir ce que veut dire aimer et nous faire entrevoir ce qu’est le don de soi. Le peu que nous avons peut faire des merveilles. Notre peu peut être démultiplié. Le peu d’amour peut comblera bien des coeurs et être une vraie main tendue à ceux qui sont en attente. Le peu de paroles positives qui semble être si fragiles peuvent être de véritables bénédictions pour beaucoup et aider tant de gens à se relever. Le peu de temps pour une visite à un frère ou à une soeur qui souffrent, et voilà peut-être la grande Eglise et même toute la grande humanité qui fait irruption dans la vie de celui ou celle visité(e). Tous ces « peu » que nous avons, tous ces peu que nous négligeons devant l’océan des besoins, Jésus en fait des merveilles pour le plus grand nombre.
Alors, cesserons-nous notre coopération avec Jésus pour nourrir notre monde ? Cesserons-nous d’avoir peur de l’immense tâche qui nous attend pour nous engager ? Cesserons-nous de nous rabaisser nous-mêmes pour regarder avec admiration l’oeuvre du christ pour nous et joindre notre sel ?
Il est vrai qu’il est indécent de penser ou d’imaginer la fin de toutes les misères de notre monde. On nous dira que nous sommes de beaux rêveurs. Ce qui est sûr c’est que la pandémie actuelle prendra fin un jour après avoir causé tant de drames humains considérables. Ce qui est aussi sûr, c’est que d’autres drames suivront. C’est un fait. Est-ce pour nous décourager ? Loin de là ! Est-ce pour sombrer dans la désespérance ? Non plus. Notre aspiration au repos est vraiment légitime. Nous avons besoin que ça se calme. Nous avons besoin d’un peu de légèreté. Mais, voilà, l’Evangile de ce jour nous apprend combien le vrai repos n’est que dans le don de soi. Saint Augustin disait : « notre coeur est inquiet tant qu’il ne repose pas dans le Christ ». Notre coeur est agité, tourmenté, fatigué tant qu’il ne repose pas dans le Seigneur Christ. Et le repos dans le Seigneur est une disposition de coeur qui prend continuellement soin des autres.
Alors chers amis, frères et soeurs, qu’en ce temps de l’été, propice au repos, qu’il nous soit donnés d’entendre cette exhortation du Christ : « Donnez-leur vous-mêmes à manger. » Amen
Envoi
Rien qu’un mot de bonté,
Mais il a soulagé un cœur qui souffrait.
Rien qu’un mot d’encouragement,
Mais un chemin obscur a été illuminé
Rien qu’un mot d’espérance et de foi,
Et le jour tout entier a été transformé.
Bénédiction
Le seigneur vous bénit et vous garde.
Le Seigneur fait resplendir sur vous sa lumière et vous accorde sa grâce.
Le Seigneur tourne sa face vers vous et vous donne la paix.