Prédication assurée par le pasteur Marcel Mbenga
Le dimanche 26 avril 2020 ; 2ème dimanche après Pâques
Luc 24, 13 – 35 13
Or, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à soixante stades de Jérusalem, 14 et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé. 15 Pendant qu'ils s'entretenaient et débattaient, Jésus lui-même s'approcha et fit route avec eux. 16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17 Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s'arrêtèrent, l'air sombre. 18 L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? 19— Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en oeuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple, 20 comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour qu'il soit condamné à mort et l'ont crucifié. 21 Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël, mais avec tout cela, c'est aujourd'hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits. 22 Il est vrai que quelques femmes d'entre nous nous ont stupéfiés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et, 23 n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles avaient eu une vision d'anges qui le disaient vivant. 24 Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu.
25 Alors il leur dit : Que vous êtes stupides ! Comme votre coeur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes ! 26 Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte pour entrer dans sa gloire ? 27 Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l'interprétation de ce qui, dans toutes les Ecritures, le concernait.
28
Lorsqu'ils approchèrent du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin. 29 Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour demeurer avec eux.
30 Une fois installé à table avec eux, il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna. 31 Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux. 32 Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre coeur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Ecritures ? 33 Ils se levèrent à ce moment même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les Onze et ceux qui étaient avec eux, 34 qui leur dirent : Le Seigneur s'est réellement réveillé, et il est apparu à Simon ! 35 Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s'était fait reconnaître d'eux en rompant le pain.
Prédication assurée par le pasteur Marcel MBENGA
Luc 24, 13 – 35 :
Le dialogue révèle
Le récit de ce matin nous ramène au matin de Pâques. Comme vous le savez, en plus du groupe des 12, beaucoup d’autres s’étaient laissé convaincre par le message de Jésus et s’étaient laissés entrainer autour de Jésus. Deux hommes parmi ces autres, présents à Jérusalem depuis la mise à mort de Jésus, décident trois jours plus tard de rentrer à leurs anciennes occupations. Il faut dire que Jésus avait fait naître une très grande espérance dans le coeur des disciples. Avec sa mort, c’est tout leur monde qui s’effondre sous leur yeux. Finalement, Jésus n’était qu’une parenthèse dans leur vie, devaient-ils se dire. Tout est fini. Et pour conjurer tout cela, ces deux compagnons s’élance, en marchant, dans une conversation très animée. C’est alors que Jésus se joint à eux et fait route avec eux. Mais, ils sont incapables de le reconnaître. Et s’ouvre avec cet inconnu un dialogue fructueux.
On dit souvent qu’un bon dialogue est enrichit par les questions bien posées. Dans un dialogue, les questions permettent aux interlocuteurs de se dévoiler. Ce qui évite toute superficialité. Des questions dans ce récit, il y en beaucoup. Le récit est vraiment dense et de nombreux thèmes y sont abordés. J’aurais pu vous parler du repas, un des thèmes majeurs de ce récit, par lequel les disciples reconnaissent Jésus et qui reste pour nous un moment essentiel pour exprimer la fraternité, la convivialité, l’accueil, etc. J’aurais pu m’arrêter plus longuement sur ce chemin où tout se noue et où presque tout s’accomplit. Mais ce sont trois questions de ce texte qui ont retenu mon attention.
  1.  « Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ? » Question des disciples ! Es-tu le seul ?
  2.  La 2ème question, c’est Jésus qui la pose à ces disciples : « Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte ? »
  3.  Et enfin la troisième question est une introspection des disciples : « Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin ? »
Trois questions qui me paraissent intéressantes parce que je les trouve ouvertes. Ouvertes parce que d’abord, elles n’appellent pas forcément une réponse claire ; mais aussi parce que celui qui s’hasarde à y répondre doit avoir conscience que sa réponse n’est pas unique. Qu’elle est partielle et partiale et ne s’impose donc pas à tous.
1. Es-tu le seul qui ne sache pas ?
C’est vrai que dans un premier temps, on pourrait très simplement déduire que cette question n’en est pas vraiment une. Qu’elle serait plutôt une affirmation pour dire à cet inconnu qu’il est vraiment le seul à ignorer les derniers événements qui ont secoué tout Jérusalem et qui marqueront un avant et après et aussi durablement la vie de tous. En même temps, n’en faire qu’une affirmation me semble rester à la surface du sujet. Ces disciples sont plus qu’étonnés. Ils posent une véritable une intrigue et sont en attente. Ils expriment, me semble-t-il, un manque radical qu’ils cherchent à combler. Du coup, pour moi, « Es-tu le seul ? » est une véritable question.
S’il n’y a aucun secret sur l’identité de ce nouveau voyageur pour les lecteurs que nous sommes, ce n’est pas le cas de ces deux disciples. Ils vont lui faire un résumé de la vie de Jésus un prophète, disent-ils, puissant en oeuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple, avant d’ajouter, nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël. Quelle désarroi ! Ils vont ressasser cette histoire qui n’a pas suffi pour leur donner une foi durable. Pourtant, ils comprennent bien que ce mystérieux compagnon n’est pas aussi affecté qu’eux. Cet homme leur paraît différent, c’est le moins qu’on puisse dire. Pour eux, que l’on soit partisan ou opposant à Jésus, chacun a un avis sur sa mort. A chacun de traiter l’événement à sa manière. A ce titre, l’attitude de cet inconnu intrigue. Et s’il avait quelque chose de radicalement différent à apporter à leur manque. Ils vont se mettre à son écoute.
Son discours leur est assez inaccessible, nous dit le narrateur. Ils ne sont pas en possession de tous leurs moyens pour vraiment comprendre ce que cet homme leur dit, nous précise le texte à leur décharge. Mais, ils écoute l’histoire de Moïse et de tous les Prophètes et l'interprétation qui va avec au sujet du Christ. Un long enseignement qui vient clore une longue journée et la fatigue de la marche en plus. Mais, une chose est claire pour moi, ces disciples sont en attente de réponse de la part de ce mystérieux compagnon de route. D’où cette question : « Es-tu le seul ? » à celui que nous identifions d’emblée comme le Christ.
Cette question au Christ n’est pas seulement datée. Elle se pose encore aujourd’hui. Combien sont ceux qui se demande : Dieu, le Christ, est-il vraiment au courant des bouleversements de notre monde ? Question à laquelle certains s’empressent de nier par manque de foi. Et souvent, nous nous empressons de nous ériger en apologète du Christ, de Dieu. On croit que la bonne attitude, en tant que chrétien, est de défendre Dieu. Chemin faisant, nous accablons l’être humain. Mais au fond, Dieu nous a-t-il ériger comme ses avocats ? Alors, pourquoi ne pas légitimer les questions sur Dieu et même les mises en cause de Dieu ? N'est-ce pas à Dieu lui-même de répondre ? Dieu ne se prive pas de parler à chacun. Voyez, le Christ répond à ces compagnons de route. Et, peut-être, sans surprise, sa réponse ne sera pas simple. Elle va contenir à son tour une question.
2. Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte ?
Question difficile qui montre que le Christ veut entrer, somme toute, en dialogue. Il veut se révéler. Il ne parle plus explicitement de la mort mais axe son propos sur la souffrance. Il choisit cet axe pour les rejoint dans ce qui constitue leur être intérieur. Ces disciples sont en souffrance. Nous savons par ailleurs que le Christ s'est toujours battu lui-même contre ce qui fait souffrir l'homme et ce qui l'écrase ? Comment se fait-il que par cette question aux disciples, il semble légitimer la souffrance ? Malheureusement, c’est peut-être cette lecture qui autorise à penser que la souffrance est une épreuve envoyée pour nous faire grandir. Personnellement, Je n'en crois rien. La souffrance doit être combattu avec la plus grande énergie. La souffrance n’a rien de positif.
Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte ? On ne peut pas faire une question plus ouverte. Elle peut se décliner de mille manières. Par exemple, pourquoi devait-il être soustrait de la réalité de la vie qui est celle de tous les humains ? Parce qu’il serait Dieu ? Cette souffrance qui n’a rien de bon, ne devait-elle pas aussi atteindre Dieu lui-même ? Au fond, la réponse ne peut être ici qu’individuelle. Mais le Christ ne nous oriente-t-il pas à méditer sur ses souffrances ? Et pour terminer cette belle introspection :
3. Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin ?
Cette introspection n’est possible qu’une fois la reconnaissance du Christ réalisée. Je parle bien de l’introspection, un exercice que notre monde en proie à un activisme effréné ne permet plus vraiment. Comment écouter encore ce qui se joue à l’intérieur de soi ? Nos pensées ne sont-elles pas en permanence conduites dans une sorte de dispersion. Comment s’arrêter ? Combien sommes-nous qui attendons, presqu’impatiemment, que cette parenthèse de pandémie passe pour que tout reparte aussi vite comme avant. Tout arrêt est vécu comme un échec. Et peu sont ceux qui veulent prendre ce temps d’arrêt pour réfléchir à ce qui se passe en eux. Mais, voilà, toute la difficulté réside aussi dans ce que notre paysage intérieur n’est jamais transparent. Nos sentiments sont mêlés et entremêlés. Prendre un temps d’arrêt, c’est se heurter à quelques confusion en soi. A quoi bon ?
Voyez-vous ? Ces disciples n’ont pas hésité à affronter leurs contradictions et les sentiments qui se tramaient en eux ? Et leur mise en route n’est que motivée par leur questionnement intérieur. Notre coeur ne brule-t-il pas ? Si nous prenions nous aussi ce temps d’écoute de nous-même ? Quelle beau temps de recueillement ce serait pour examiner en nous ce qui donne sens à la vie.
Amen