Méditation pour le 4ème dimanche de Carême, 22 mars 2020

Luc 9, 57 – 62

Méditation pour le 4ème dimanche de Carême – 22 mars 2020

Par le pasteur Marcel MBENGA, EPUDF à Dijon.

 

Méditation pour le temps de Carême : Lecture de l’Evangile selon Luc 9, 57 – 62

57    Pendant qu'ils étaient en chemin, quelqu'un lui dit : Je te suivrai partout où tu iras.

58   Jésus lui dit : Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l'homme n'a pas où poser sa tête.

59   Il dit à un autre : Suis-moi. Celui-ci répondit : Seigneur, permets-moi d'aller d'abord ensevelir mon père.

60   Il lui dit : Laisse les morts ensevelir leurs morts ; toi, va-t'en annoncer le règne de Dieu.

61    Un autre dit : Je te suivrai, Seigneur, mais permets-moi d'aller d'abord prendre congé de ceux de ma maison.

62   Jésus lui dit : Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas bon pour le royaume de Dieu.

 

Trois rencontres, trois situations si différentes.

    - L’un qui veut suivre Jésus mais sa demande semble être refusée

   .- L’autre qui est appelé mais qui trouve une bonne raison pour remettre à plus tard sa suivance.

    - Et le troisième qui veut bien y aller mais, il pose ses conditions.

Ce dernier est fortement interpellé par Jésus. Et ce que Jésus lui dit me semble récapituler les réponses données aux deux premiers. Pour tous donc, il est question du royaume de Dieu, me semble-t-il. Pour tous, les enjeux sont tournés vers le Royaume.

 

« Quiconque met la main à la charrue et regarde en arrière n'est pas bon pour le royaume de Dieu » dit Jésus.

A chaque fois, quand il s’agit du royaume de Dieu, on y entend presque toujours, à première lecture, quelque chose de l’ordre d’une injustice. Ce court récit peut nous donner un tel sentiment. Comment ne pas encourager celui qui veut s’engager ? En quoi est-ce si négatif de prendre soin de la dépouille de son père, et enfin n’est-il pas sain de soigner ses proches surtout lorsque l’on doit prendre une décision capitale ? A quoi, Jésus joue-t-il ici ?

 

A la réflexion, et si Jésus voulait seulement nous faire entrevoir l’essentiel ? L’essentiel : Aller de l’avant sans être tiraillé par l’arrière.

Regarder en arrière, peut aussi être une manière de nous reposer sur un passé glorieux, sur des personnes qui se sont distinguées pour accomplir pour nous une vie belle et qui ont permis l’émergence de notre époque.

En ce temps, où la France et le monde se confinent, la tentation est grande de regarder en arrière pour regretter ce temps de liberté. Il est tentant de regarder en arrière pour déceler toutes les erreurs commises par les uns et les autres qui nous auraient conduits à des situations dramatiques. Il est tentant de condamner. Mais non ! J’ai vraiment l’impression d’entendre Jésus nous exhorter à ne pas regarder en arrière mais en avant. Regardez la lumière qui est devant de vous, devant la charrue.

Ce que j’entends, ce n’est pas tant de gommer le passé ; les générations qui nous ont précédés sont si importantes pour nous ? notre passé, y compris le plus récent apporte du sens à notre présent, mais rien ni personne ne doit nous dédouaner de notre propre engagement. A notre tour, nous sommes invités à garantir un souffle de vie à l’époque qui vient, celles des générations futures. L’invitation au Royaume est un travail tourné vers les autres, pour les autres, pour l’avenir.

 

Jésus dit à celui qui est appelé « laisse les morts ensevelir les morts. Toi, va-t'en annoncer le règne de Dieu». Avec cet envoi, Jésus livre ouvertement un combat ici. Il combat ce « Permets-moi d’abord » qui est présent par deux fois.

Nos conditions, nous les connaissons. Nous les posons très souvent quand on est appelé. Peut-être même, nous les érigeons en valeur absolue. Parce qu’elles s’imposent à nous comme naturelles. Et voici que dans son combat, Jésus nous montre que l’impératif de demain se pose aussi à nous. Travailler pour le royaume exige de nous que nous nous engagions sans détour.

 

En fait, si nous sommes attentifs au monde qui nous entoure, nous pouvons percevoir aisément, me semble-t-il, que nous sommes attendus en tant que chrétiens ; nous sommes regardés ; des gens espèrent tant de choses de nous. En même temps nombreux sont ceux qui se désolent quand nous nous agrippons sur nos conditions naturelles qui nous empêchent de nous tourner vers le royaume, pour travailler pour le Royaume, autrement dit, pour mettre en pratique l’exigence de l’amour pour les uns et les autres. En cela, notre action est vraiment espérée.

Nous avons parfois le sentiment que dans notre monde contemporains et surtout dans nos sociétés mercantiles, la foi religieuse n’a plus de place. Mais, toutes les études sociologiques montrent que les gens n’ont jamais été autant assoiffés de spiritualité. Toutes ces personnes ont plus que besoin de nous entendre proclamer notre foi mais ils ont surtout besoin de nous voir à l’oeuvre.

Il ne s’agit pas seulement de mettre la Bible et l’Evangile entre leurs mains. Mais, eux comme le Christ attendent de nous que nous labourions la terre. Que nous creusions les sillons avec humilité. Que nous agissions dans les combats de notre temps avec ferveur et engagement pour rendre la vie vivable pour demain. Pour mettre au coeur de notre préoccupation ultime, l’humain.

 

Tous, nous n’avons certainement plus la culture des paysans. A commencer par moi-même. Mais, il n’y a pas longtemps, j’ai eu la chance de conduire un tracteur et labourer une petite parcelle de champ, chez des amis, dans la Drôme. J’ai appris que la charrue ancienne fonctionnait encore différemment. Elle était tirée.

Ce n’est pas le cultivateur qui tire la charrue. Il la tient. Il ne la pousse pas non plus. Mais, il a un rôle essentiel, celui de maintenir la bonne direction.

Ici, en l’occurrence nous sommes invités, en tenant la charrue, à garder la direction qui mène vers Dieu, vers son Royaume. Il ne s’agit pas seulement de tenir la charrue mais, il faut s’y appuyer en en pesant sur elle pour maintenir la direction. En réalité, il n’y a pas de place pour regarder en arrière.

La charrue avance. Elle fait le travail, laboure le sol, forme des sillons. C’est un travail tourné vers l’avant et pas vers l’arrière. Voilà aussi, me semble-t-il, comment nous sommes appelés à la responsabilité devant Dieu pour un travail qui est tourné vers le Royaume. Dans cet appel, nous y trouvons une véritable source de joie et de force.

 

Et si je me résumais, je dirais simplement que nous sommes invités à peser dans les combats de notre temps pour garantir aux générations futures une vie digne et acceptable. Notre engagement fortifie tous ceux qui nous entourent. Mais, voilà, quand bien même nous sommes confrontés à des échecs, ou quand bien même nous devenons faibles, notre direction vers Dieu demeure.

Le Seigneur demeure à nos côtés. Les sillons tracés disparaîtront sûrement un jour, emportés par le temps, et la vie, Mais le Seigneur sera toujours là.

Que sa paix emplisse nos cœurs.

Amen